Null Marie LAURENCIN (1883-1956). 28 L.A.S., 1936-1939, à Mlle Marie-Thérèse Évr…
Description

Marie LAURENCIN (1883-1956). 28 L.A.S., 1936-1939, à Mlle Marie-Thérèse Évrard ; 48 pages, la plupart in-8 sur papier vert à ses initiales. Intéressante correspondance à propos d’un projet de fresque dans une école. C’est en septembre 1936 à une réunion Soroptimiste que Marie Laurencin rencontre Mlle Évrard, enseignante au Lycée Camille-Sée, et très vite cette dernière lui propose de venir décorer une salle au sein de son établissement scolaire, ce qui pique la curiosité de la peintre : « Jusqu’ici, je n’ai fait que ce qu’on appelle de la peinture de chevalet et les grandes surfaces me sont inconnues », mais elle serait prête à se « jeter à l’eau ». Malgré les conditions physiques de ce travail, elle accepte « la décoration de la salle enfantine. […] je sais combien vous tenez à moi et la foi soulève des montagnes »… Les deux femmes deviennent vite amies. Décembre 1936. Elle se remémore leur promenade, « il n’y avait que des marchands de tableaux et comme une étoile rayonnante, le sublime Vuillard »… Elle commence à travailler sur le projet : « Je commence lentement à entrer dans les grands murs de la classe enfantine. C’est vous qui m’y poussez vêtue de votre robe blanche et avec ce profil perdu d’une douce fermeté. Fini enfin les expositions et leur côté si matériel »… Janvier 1937. « Voici l’histoire de ce petit portrait. La jeune fille a dix-huit ans, elle est rousse, toujours bien coiffée, charmante – elle m’appelle Tante Marie – sa mère est une vieille amie ». Ses parents ont perdu leur fortune, et ont eu « la malencontreuse idée de faire d’elle une danseuse » ; la jeune fille travaille maintenant dans des cabarets, cafés-concerts, etc. et perd sa fraîcheur, ce que déplore Marie Laurencin… Mars. Les peintres du Lycée Jules Ferry lui ont conseillé « de peindre à même les murs, ce qui était votre première idée ». Il faut encore discuter du prix, et bien s’organiser : « Là je serai entourée de vous, des professeurs, des élèves – à un quart d’heure à pied de chez moi – Fra Angelico n’avait pas mieux ». Elle ira voir l’échelle chez le marchand de couleurs et pense déjà aux maquettes à faire… 7 avril. Les Beaux-Arts lui proposent 20.000 francs pour cette fresque, on lui conseille d’en demander cinquante….  « Autrement j’ai eu un portrait anglais très agréable : la femme, le mari, les deux enfants pleins de charme. J’ai peint elle seulement – un beau manteau rouge et des bijoux »… Elle a commandé deux petites toiles pour les maquettes des deux grands murs, et préfèrerait faire le travail seule ; mais on ne lui propose pas assez : « Ce que c’est d’être une femme. Je n’ose vraiment pas demander cinquante mille francs. On accorderait trente mille ce serait possible »… ; il faudra mettre les maquettes au carreau ; elle pense demander à « la petite Chériane » de l’aider, mais il faudra la payer. 9 avril. Les Beaux-Arts lui ont acheté une grande toile « une femme couchée – à moitié faite pour 10.000 francs », comme ça elle peut accepter « les 20.000 francs pour votre école ». Il faudra bien préparer les murs … 15 avril. Elle n’est pas contente de son dimanche, elle a travaillé « avec la peinture – il y a cette affreuse sensation d’abîmer ce qu’on fait. Mais c’est plus fort que moi – j’ai toujours l’impression qu’il y a quelque chose qui cloche »… Mai. Elle veut donner rendez-vous au lycée au peintre qui s’occuperait de la « mise au carreau sur les murs » de ses maquettes... Elle a terminé la maquette du fond : « ronde d’enfants – petite maison à balcon et un cheval. Elle est presque faite à l’aquarelle mais pour les besoins de la cause il faut la refaire à la gouache »… Mai-juin. « Mes deux maquettes sont prêtes », elle attend de pouvoir les présenter pour accord, mais elle s’inquiète de l’état des murs à peindre : « ils sont peints à l’huile et aucune peinture ne peut prendre là-dessus qu’en faisant un galimatias qui nuirait bien à la fraîcheur Laurencine. J’ai bien l’intention de vous inonder de cette soi-disant fraîcheur »… Juillet-Août. Grandes vacances : elle lui raconte ses différents voyages : Angleterre, Châtel-Guyon, etc., mais s’étonne de ne pas avoir de nouvelles des représentants des Beaux-Arts pour sa fresque, et du peintre qui devait préparer les murs : « les hommes sont bizarres »… Mi-octobre. En Auvergne elle était entourée d’enfants, et a pu penser aux murs de la classe. Elle a montré sa maquette « à des amis qui aiment ce que je fais et s’y connaissent. Ils m’ont dit “Marie ce sera affreux agrandi”, et je sentais que, comme vous, ils avaient raison. Donc mon amie, il est impossible d’agrandir quoi que ce soit de mes maquettes […] et l’exécution entière par moi est absolument impossible aussi. Le panneau du palais de l’enseignement deux mètres sur deux mètres m’a fatiguée. Je ne pouvais pas rester debout et peindre plus d’une demi-heure. […] je me déclare trop fatiguée pour ce genre de travail. Les horreurs de l’exposition s’en iront mais pour vos murs […] ce sera pour toujours. Et

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Marie LAURENCIN (1883-1956). 28 L.A.S., 1936-1939, à Mlle Marie-Thérèse Évrard ; 48 pages, la plupart in-8 sur papier vert à ses initiales. Intéressante correspondance à propos d’un projet de fresque dans une école. C’est en septembre 1936 à une réunion Soroptimiste que Marie Laurencin rencontre Mlle Évrard, enseignante au Lycée Camille-Sée, et très vite cette dernière lui propose de venir décorer une salle au sein de son établissement scolaire, ce qui pique la curiosité de la peintre : « Jusqu’ici, je n’ai fait que ce qu’on appelle de la peinture de chevalet et les grandes surfaces me sont inconnues », mais elle serait prête à se « jeter à l’eau ». Malgré les conditions physiques de ce travail, elle accepte « la décoration de la salle enfantine. […] je sais combien vous tenez à moi et la foi soulève des montagnes »… Les deux femmes deviennent vite amies. Décembre 1936. Elle se remémore leur promenade, « il n’y avait que des marchands de tableaux et comme une étoile rayonnante, le sublime Vuillard »… Elle commence à travailler sur le projet : « Je commence lentement à entrer dans les grands murs de la classe enfantine. C’est vous qui m’y poussez vêtue de votre robe blanche et avec ce profil perdu d’une douce fermeté. Fini enfin les expositions et leur côté si matériel »… Janvier 1937. « Voici l’histoire de ce petit portrait. La jeune fille a dix-huit ans, elle est rousse, toujours bien coiffée, charmante – elle m’appelle Tante Marie – sa mère est une vieille amie ». Ses parents ont perdu leur fortune, et ont eu « la malencontreuse idée de faire d’elle une danseuse » ; la jeune fille travaille maintenant dans des cabarets, cafés-concerts, etc. et perd sa fraîcheur, ce que déplore Marie Laurencin… Mars. Les peintres du Lycée Jules Ferry lui ont conseillé « de peindre à même les murs, ce qui était votre première idée ». Il faut encore discuter du prix, et bien s’organiser : « Là je serai entourée de vous, des professeurs, des élèves – à un quart d’heure à pied de chez moi – Fra Angelico n’avait pas mieux ». Elle ira voir l’échelle chez le marchand de couleurs et pense déjà aux maquettes à faire… 7 avril. Les Beaux-Arts lui proposent 20.000 francs pour cette fresque, on lui conseille d’en demander cinquante….  « Autrement j’ai eu un portrait anglais très agréable : la femme, le mari, les deux enfants pleins de charme. J’ai peint elle seulement – un beau manteau rouge et des bijoux »… Elle a commandé deux petites toiles pour les maquettes des deux grands murs, et préfèrerait faire le travail seule ; mais on ne lui propose pas assez : « Ce que c’est d’être une femme. Je n’ose vraiment pas demander cinquante mille francs. On accorderait trente mille ce serait possible »… ; il faudra mettre les maquettes au carreau ; elle pense demander à « la petite Chériane » de l’aider, mais il faudra la payer. 9 avril. Les Beaux-Arts lui ont acheté une grande toile « une femme couchée – à moitié faite pour 10.000 francs », comme ça elle peut accepter « les 20.000 francs pour votre école ». Il faudra bien préparer les murs … 15 avril. Elle n’est pas contente de son dimanche, elle a travaillé « avec la peinture – il y a cette affreuse sensation d’abîmer ce qu’on fait. Mais c’est plus fort que moi – j’ai toujours l’impression qu’il y a quelque chose qui cloche »… Mai. Elle veut donner rendez-vous au lycée au peintre qui s’occuperait de la « mise au carreau sur les murs » de ses maquettes... Elle a terminé la maquette du fond : « ronde d’enfants – petite maison à balcon et un cheval. Elle est presque faite à l’aquarelle mais pour les besoins de la cause il faut la refaire à la gouache »… Mai-juin. « Mes deux maquettes sont prêtes », elle attend de pouvoir les présenter pour accord, mais elle s’inquiète de l’état des murs à peindre : « ils sont peints à l’huile et aucune peinture ne peut prendre là-dessus qu’en faisant un galimatias qui nuirait bien à la fraîcheur Laurencine. J’ai bien l’intention de vous inonder de cette soi-disant fraîcheur »… Juillet-Août. Grandes vacances : elle lui raconte ses différents voyages : Angleterre, Châtel-Guyon, etc., mais s’étonne de ne pas avoir de nouvelles des représentants des Beaux-Arts pour sa fresque, et du peintre qui devait préparer les murs : « les hommes sont bizarres »… Mi-octobre. En Auvergne elle était entourée d’enfants, et a pu penser aux murs de la classe. Elle a montré sa maquette « à des amis qui aiment ce que je fais et s’y connaissent. Ils m’ont dit “Marie ce sera affreux agrandi”, et je sentais que, comme vous, ils avaient raison. Donc mon amie, il est impossible d’agrandir quoi que ce soit de mes maquettes […] et l’exécution entière par moi est absolument impossible aussi. Le panneau du palais de l’enseignement deux mètres sur deux mètres m’a fatiguée. Je ne pouvais pas rester debout et peindre plus d’une demi-heure. […] je me déclare trop fatiguée pour ce genre de travail. Les horreurs de l’exposition s’en iront mais pour vos murs […] ce sera pour toujours. Et

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