FERRI & ASSOCIÉS - Warhol, Mick Jagger et Yannick Noah réunis le 17 décembre

vendredi 17 décembre 2021

Expert : Irénée Brun

Le 17 décembre 2021 à l’hôtel Drouot, la maison de ventes Ferri & associés présentera cinq sérigraphies par Andy Warhol. Figurant le portrait de Mick Jagger, elles proviennent de la collection de Yannick Noah. Elles découvriront pour la première fois le feu des enchères depuis leur acquisition à New-York vers 1984. Retour sur l’histoire de cet ensemble pop et rock entre New-York et Paris.
 
Andy WARHOL (1928-1987)
Mick Jagger, 1975
Sérigraphie en couleurs sur papier Arches
Aquarelle, signée au crayon en bas à droite et justifiée 166/250 en bas à gauche,
signée par Mick Jagger en bas à gauche.
Edition à 250 + 50 AP + 3 PP.
Au dos cachet : Seabird Editions.
110,7 x 73,4 cm
Alexander Heinrici imprimeur, New York
Seabird Editions, London
Estimation : 30 000 - 40 000 €
Andy WARHOL (1928-1987)
Mick Jagger, 1975
Sérigraphie en couleurs sur papier Arches
Aquarelle, signée au crayon en bas à droite et justifiée 166/250 en bas à gauche,
signée par Mick Jagger en bas à gauche.
Edition à 250 + 50 AP + 3 PP.
Au dos cachet : Seabird Editions.
110,5 x 73,3 cm
Alexander Heinrici imprimeur, New York
Seabird Editions, London
Estimation : 30 000 - 40 000 €

New-York : la rencontre de Jagger et Warhol

La réalisation de cet ensemble en 1975 n’est pas fortuite. En effet, Mick Jagger et Andy Warhol se rencontrent à New-York en 1964. Une amitié fidèle naît. Warhol entre dans l’intimité des Jagger. Il rencontre Bianca, l’épouse de Mick, mais se lie aussi et surtout avec Jade, la fille du couple. Il lui apprend « à colorier » tandis qu’elle lui montre « comment jouer au Monopoly ». Au-delà d’une relation d’amitié, Andy et Mick collaborent à plusieurs reprises. En avril 1969, Jagger et les Rolling Stones commandent à l’artiste l’illustration de la pochette du neuvième album des Rolling Stones : Sticky Fingers. Produit sous son propre label, le groupe s’émancipe des maisons de disques pour se libérer des doctrines artistiques. Mick Jagger adresse toutefois à Warhol quelques recommandations dans une lettre du 21 avril 1969 :
 
Cher Andy, je suis très heureux que tu te charges de la conception artistique de notre nouvel album. Voici deux boîtes d’éléments qui pourraient t’être utiles. D’après ma brève et naïve expérience, plus l’emballage de l’album est sophistiqué, c’est-à-dire plus complexe que ne le seront quelques pages ou un dépliant, et plus la reproduction sera pourrie, et les délais insoutenables.
[Lettre de Mick Jagger à Andy Warhol (extrait), 21 avril 1969]


Les avertissements sont vains et la sobriété n’est pas de rigueur. La pochette présente en plan serré l’entrejambe d’un homme vêtu d’un jean, à laquelle Warhol ajoute une braguette découvrant un caleçon en coton. L’album se présente comme l’un des manifestes du Pop-Art.

Fasciné par l’aura de Jagger, Warhol produit son portrait en 1975 en deux-cent-cinquante portfolios comprenant chacun dix sérigraphies. La vente du 17 décembre inclus cinq variations de l’exemplaire numéro 166.

La Factory : l’atelier de l’image pop

Ces suites d’estampes sont à comprendre comme un tournant important dans la carrière de Warhol. Avec elles, l’artiste met en place un système qu’il privilégiera dans la suite de sa carrière : le papier déchiré et la superposition d’un dessin stylisé redoublant l’image photographique. Le spécialiste Marco Livingstone rappelle la genèse de cette production :
 
Warhol prit un papier bon marché disponible dans plus de deux cents teintes, qu’il déchira et colla sur des maquettes grandeur nature avant de sérigraphier l’image par-dessus (il avait utilisé cette technique dès 1970, pour une couverture de Time). L’effet rappelle ses peintures et dessins de mode des années cinquante, surtout quand le collage sert de toile de fond décorative pour les contours dessinés, comme dans la série des Mick Jagger. Pour la mise en place des grandes lignes, Warhol projetait son polaroïd en l’agrandissant au format désiré. A partir de là, il réalisait plusieurs variantes en dessinant des détails à main levée, puis il choisissait la version qui serait photographiée pour la fabrication de l’écran sérigraphique. Les diverses plages de couleurs du collage étaient également photographiées (sur un banc de reproduction) (le banc de reproduction comporte un châssis pneumatique dans lequel on peut faire le vide pour que le document original soit d’une planéité parfaite) si elles se distinguaient bien.
Sinon on décalquait leurs contours, puis on découpait un pochoir dans de l’acétate afin de confectionner les écrans. Une fois imprimé, le trait prenait un aspect grumeleux sur le vélin d’Arches, mais devenait uniformément noir et lisse sur les zones colorées à la peinture industrielle brillante. Warhol prouvait là encore sa faculté d’exploiter les effets fortuits…
[Marco LINGSTONE, «À faire soi-même : notes sur les techniques de Warhol », in Andy Warhol : Rétrospective, cat. exp., Paris, Musée National d’Art Moderne, Paris 21 juin – 10 septembre 1990, Paris, Centre Pompidou.]

 
En synthèse, la photographie devient le support de la création en étant le premier jalon de la conception. Une séance préliminaire s’impose entre l’artiste et ses modèles. Warhol leur sollicite différentes poses, qu’il capture derrière le viseur de son appareil.
 
Il utilisa d’abord un « Instamatic », puis un Leica, mais il leur préféra très vite le Polaroïd, qu’il employait toujours avec un flash. Warhol demandait à son modèle de prendre telle ou telle pose, comme s’il dirigeait une mise en scène, et prenait ainsi des dizaines de vues. Il en sélectionnait quelques-unes pour les rephotographier et en tirer des typons de 20,32 x 25,4 cm.

Un de ces typons (ou, plus tard, quelquefois plusieurs d’entre eux, qui permettaient à Warhol de pratiquer sur ses clients une sorte de chirurgie esthétique instantanée) était ensuite agrandi à 101,6 x 101,6 cm pour la préparation de l’écran. Le format carré ne correspondait pas à celui du polaroid original, mais Warhol l’appréciait pour son caractère neutre et pour la facilité qu’il offrait dans le centrage de la composition. Souvent, l’artiste recadrait l’image de manière que la surface soit presque entièrement occupée par la tête du modèle, sauf s’il jugeait bon d’accentuer par exemple la longueur de son cou…
[Ibidem.]

 
Correspondant aux principes du Pop Art, le produit définitif est artificiel car il ne transcrit pas la réalité anatomique du modèle. Et pour cause, Warhol et son équipe deviennent des spécialistes du portrait idéalisé considérant que « tout le monde devait présenter bien ». Plus qu’un portrait physique, ces images semblent traduire l’esprit du sujet. La photographie, les traits dessinées ajoutés aux importants aplats de couleurs confirment ce sentiment. Mick Jagger s’offre de facto comme une véritable icône populaire jouant entre proximité et inaccessibilité de l’artiste.
 
Andy WARHOL (1928-1987)
Mick Jagger, 1975
Sérigraphie en couleurs sur papier Arches
Aquarelle, signée au crayon en bas à droite et justifiée 166/250 en bas à gauche,
signée par Mick Jagger en bas à gauche.
Edition à 250 + 50 AP + 3 PP.
Au dos cachet : Seabird Editions.
110,7 x 73,5 cm
Alexander Heinrici imprimeur, New York
Seabird Editions, London
Estimation : 30 000 - 40 000 €
Andy WARHOL (1928-1987)
Mick Jagger, 1975
Sérigraphie en couleurs sur papier Arches
Aquarelle, signée au crayon en bas à droite et justifiée 166/250 en bas à gauche,
signée par Mick Jagger en bas à gauche.
Edition à 250 + 50 AP + 3 PP.
Au dos cachet : Seabird Editions.
110,7 x 73,3 cm
Alexander Heinrici imprimeur, New York
Seabird Editions, London
Estimation : 30 000 - 40 000 €
Andy WARHOL (1928-1987)
Mick Jagger, 1975
Sérigraphie en couleurs sur papier Arches
Aquarelle, signée au crayon en bas à droite et justifiée 166/250 en bas à gauche,
signée par Mick Jagger en bas à gauche.
Edition à 250 + 50 AP + 3 PP.
Au dos cachet : Seabird Editions.
111 x 73,4 cm
Alexander Heinrici imprimeur, New York
Seabird Editions, London
Estimation : 30 000 - 40 000 €


L’impression sérigraphique est confiée à Alexander Henrici. Évoluant dans les milieux underground, l’homme propose ses services à Willem de Kooning, Robert Rauschenberg, Roy Lichtenstein ou Robert Indiana pour ne citer que les plus célèbres. Le portfolio Jagger scelle le début de sa collaboration avec Warhol. Si la sérigraphie souffre de quelques critiques car étant un moyen de reproductibilité technique de l’image, Henrici hisse ses produits en tant que véritables oeuvres d’art. Il explique, que la sérigraphie est « une des méthodes d’impression » parmi « les plus immédiates et les plus picturales ». Mais l’exigence en est la contrepartie. Vous devez connaître « la pression à appliquer, vous devez avoir la bonne quantité d'encre – c'est très compliqué4 ». Nos sérigraphies témoignent de ce travail. Offrant des noirs profonds et des couleurs intenses, elles entretiennent un lien étroit avec la peinture. En les découvrant physiquement, il est difficile d’imaginer l’intervention de la machine tant le résultat est impressionnant. 

La collection de Yannick Noah

Yannick Noah acquiert cette suite vers 1984 à New-York dans une galerie de Spring Street. Installé dans la ville après son triomphe à Roland-Garros en 1983, l’amateur s’offre ces cinq portraits de Mick Jagger. Si l’attrait esthétique est certain, l’achat des estampes est probablement dicté par sa passion de la musique. Yannick Noah débute une nouvelle carrière d’auteur et interprète. Ses débuts sont salués par un succès populaire. L’été 1991 est effectivement marqué par le tube Saga Africa.


 
Exposition publique au sein de l’exposition Œuvres Choisies - Hôtel Drouot - Salle 9
Jeudi 4 novembre - 11h/20h
Vendredi 5 novembre - 11h/18h
Samedi 6 novembre - 11h/18h
Lundi 8 novembre - 11h/18h
Mardi 9 novembre - 11h/18h

Exposition publique - Hôtel Drouot - Salle 9
Mercredi 15 décembre - 11h/18h
Jeudi 16 décembre - 11h/20h
Vendredi 17 décembre - 11h/12h

Vente aux enchères publique - Hôtel Drouot - Salle 7
Vendredi 17 décembre - 14h

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Ferri & Associés

Bijoux, arts décoratifs, art contemporain

Vente : vendredi 17 décembre 2021
Salle 7 - Hôtel Drouot - 9, rue Drouot 75009 Paris, France
Maison de vente
Ferri & Associés
Tél. 01 42 33 11 24