ADER - « Le Peau rouge de Montparnasse »

vendredi 18 mai 2018
Ader

Provenant d’une collection américaine, un ensemble inédit et exceptionnel de sept œuvres de Frank Overton Colbert (1895-1953), surnommé « le Peau rouge de Montparnasse », sera dispersé aux enchères à Paris à l’Hôtel Drouot le 18 mai 2018.

L’Œuvre de Frank Overton Colbert, un moment de l’Histoire de l’Art Américain

Frank Overton Colbert est un artiste majeur de l’Art Américain au début des années 1920. Premier Indien à exposer à New York, ce peintre Chickasaw, célébré par la critique de l’époque, raconte sous son pinceau les mythes et légendes indiennes. Il s’installe à Paris en 1923 et fréquente le Paris bohème où il est connu sous le nom de « Peau Rouge de Montparnasse ». Sa carrière éclair suite à une grave dépression en 1926, ne laisse que très peu d’oeuvres, dont seulement 70 sont aujourd’hui répertoriées et 5 sont conservées dans les collections publiques aux Etats-Unis. Le 18 mai prochain, nous aurons l’honneur de présenter un ensemble de 7 oeuvres exceptionnelles, toutes pour la plupart exposées à la célèbre Montross Gallery, et jamais montrées au public depuis 55 ans.

Redécouverte d'un artiste majeur

Quelques mois plus tôt, en novembre 2017, la Maison ADER NORDMANN offrait aux enchères pour la première fois au monde, un tableau de Frank Overton Colbert, découvert fortuitement : nous ne savions ni qui il était, ni ce qu’il avait réalisé. Cette toile à l’atmosphère impressionnante, traitée par de multiples petites touches, représentant une sépulture aérienne typique des indiens d’Amérique du Nord et protégée par un hibou caché dans un
arbre, nous a émerveillé. Un seul indice : ce tableau portait au dos une étiquette d’une exposition à la Montross Gallery de New York de 1921. Après de longues recherches et grâce aux contacts établis aux États-Unis, nous avons compris l’importance de cet artiste dans le milieu artistique New Yorkais du début du 20ème siècle, désireux d’un retour aux sources. 

Frank Overton Colbert Redfeather (« Plume rouge »), né en 1895, descend d’une longue lignée de chefs Chickasaw indiens et appartient à l’une des familles les plus anciennes des États-Unis. Colbert passe son enfance en Oklahoma. Après la première guerre mondiale, il s’installe à Greenwich village, bastion de la culture artistique et étudie à l’École des Arts Appliqués de New York au même moment que William Gropper. En 1921, l’artiste rejoint le groupe Inje-Inje et expose à la fameuse Montross Gallery. Ses multiples expositions à New York et notamment au Whitney Studio Club, permettent à ses oeuvres d’être immédiatement remarquées. En 1923, il s’installe à Paris sur la rive gauche avec sa femme pour étudier à l’Ecole des Beaux-Arts. La même année, il expose au Salon d’Automne notre tableau The Undersea God puis L’Indien au salon des Indépendants en 1926. Surnommé le « Peau rouge de Montparnasse », et habitué des cafés, il fréquente le milieu artistique parisien et dessine habituellement sur du papier d’emballage qu’il récupère dans les boucheries. Suite à une dépression, il rentre aux Etats-Unis en 1926. En 1941, atteint d’une maladie mentale, il est hospitalisé dans le Colorado et y meurt le 20 mars 1953. Dix ans après sa mort, une exposition rétrospective est organisée à la galerie Paula Insel à New York. Selon les dernières recherches de Brian Hern, seules 5 oeuvres de Colbert seraient aujourd’hui conservées dans les Collections  publiques aux Etats-Unis, et seulement 70 oeuvres sont répertoriées et documentées.

Entre Dadaïsme et Primitivisme, le groupe Inje-Inje

 
La participation de Colbert au Groupe Inje-Inje est un tremplin dans la diffusion de ses oeuvres. Ce mouvement, créé en 1920 par Holger Cahill combine des aspects du dadaïsme, du primitivisme et la recherche de la beauté5. L’inspiration du nom vient d’une tribu indienne située entre la région de l’Amazone et des Andes, laquelle était si « primitive » que son langage oral était constitué de deux seuls mots : Inje-Inje. Cette tribu communiquait seulement avec des gestes. Cahill souhaite rendre les arts à une simplicité comparable et ainsi découvrir les bases et les formes les plus directes de l’expression humaine. Ce dernier recrute un petit nombre d’artistes Mark Tobey, Alfred Maurer, William Gropper, John Sloan et de poètes, Malcom Cowley et Orrick Johns. Inje-Inje entretient une relation très proche avec l’intérêt croissant aux arts primitifs dans les premières décennies du XXème siècle, et la présence de Colbert, par son identité, a un sens immédiat. On dit d’ailleurs de lui qu’il fût le premier artiste indien à exposer à New York.








7 oeuvres dispersées le 18 mai à l’Hôtel Drouot

Les oeuvres qui seront dispersées aux enchères le 18 mai prochain sont le reflet de sa palette colorée, sa technique pointilliste, sa symétrie dynamique et sa touche régulière mais surtout elles illustrent les mythes et légendes indiennes auxquels Frank Overton Colbert était relié. Voyageant dans sa jeunesse parmi les communautés tribales amérindiennes du Mexique jusqu’en Alaska, l’artiste s’approprie leur patrimoine culturel immatériel. La majorité des titres des œuvres de Colbert correspondent à des « Dieux » ou des esprits de nombreuses tribus amérindiennes: The Cactus and the Rain God, ou Monwu, Katchina Hopi.

 
Brian Hearn, a récemment trouvé de flagrantes similitudes entre les Katchinas peints par Colbert et ceux reproduits dans l’ouvrage de Jesse Walter Fewkes. Souhaitant documenter les pratiques de la religion Hopi et le culte des Katchinas, ce dernier se lia d’amitié avec plusieurs membres de la tribu qu’il paya pour qu’ils réalisent des aquarelles de Katchinas, ce qui était interdit par les Hopis. Ces aquarelles furent publiées in Hopi Katcinas : drawn by Native Artists en 1887. Après avoir parcouru cet ouvrage nous avons retrouvé Monwu dont la position et le vêtement sont très similaires (planche reproduite à gauche). Chez Colbert, Monwu est traité de façon plus stylisée. Il combine ici primitivisme et modernisme.

Raconté sous son pinceau, The Undersea God illustre le mythe inuit de Sedna, cette très belle jeune femme vivant solitaire avec son père et qui fut séduite par un chaman, ou selon d’autres versions par un fulmar, un homme-oiseau ou un chien. Partie sur une île lointaine avec son mari, son père l’entendit pleurer au-delà de la mer : sa fille subissait les pires traitements. Il partit la chercher et reprit la mer avec elle. Son mari furieux, doté de pouvoirs surnaturels, ordonna à la mer de se déchainer. Voyant la mort arriver, le père sacrifia Sedna en la jetant à la mer. Mais celle-ci s’agrippa fortement à l’embarcation, son père tapa avec sa pagaie sur ses doigts gelés par le froid. Ceux-ci se cassèrent, tombèrent dans l ‘eau et devinrent les poissons de l’océan. Mais Sedna, s’agrippa encore plus fort, son père tapa une nouvelle fois et les mains gelées de la belle jeune fille tombèrent à l’eau puis devinrent les mammifères marins. Avant qu'elle ne disparaisse complètement dans les vagues, son père lui creva un oeil d'un coup de pagaie. Sedna, comme on la voit dans notre tableau, coula au fond de l’eau où elle réside comme une déesse, similaire aux sirènes. Elle est représentée agenouillée, les bras se terminant en longues tentacules et son seul oeil semble nous regarder. Autour d’elle, trônent les poissons et créatures marines nés de ses doigts et de ses mains.

Dans Origin of Birds, Colbert célèbre les oiseaux qui jouent une grande variété de rôles dans la mythologie amérindienne. Ils servent souvent de messagers du Créateur, ou entre les humains et le monde des esprits.

Le célèbre William F. Cody, connu sous le nom de Buffalo Bill qui marquait un grand intérêt pour Colbert résume assez bien sa philosophie et la dualité de cet artiste singulier : « Plume rouge, vous trempez votre pinceau dans l’arc-en-ciel et peignez l’Indien à partir de l’âme de toutes les générations d’indiens, avec la philosophie et la précision de la pensée européenne. Dans votre art, vous appartenez au poète avec les yeux du peintre pour les couleurs et l’arrangement. Vous devez être un Indien premier et dernier, même si vous êtes bien éduqué ».
 


Les estimations des oeuvres vont de 6.000 à 8.000€ pour l’aquarelle, 10.000 à 12.000€ pour la gouache et 12.000 à 15.000€ pour les huiles.

 
Vente aux enchères publique - Drouot - Salle 5
Vendredi 18 mai - 14h

Exposition publique - Drouot - Salle 5
Jeudi 17 mai - 11h / 21h
Vendredi 18 mai - 11h / 12h


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tableaux modernes

Vente : vendredi 18 mai 2018
Salle 5 - Hôtel Drouot - 9, rue Drouot 75009 Paris, France
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Tél. 01.53.40.77.10