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Frans SNYDERS Anvers, 1579 - 1657 Gibier, corbeille de fruits et vase de fleurs sur une table, près de laquelle se tiennent deux chiens Huile sur toile Signée ‘F. snyders. fecit’ en bas à droite Game, fruit basket and vase of flowers on a table, oil on canvas, signed, by F. Snyders 226 x 165 cm (88,98 x 64,96 in.) Provenance : Collection du marquis de Chennevières, selon H. Robels ; Collection Corsini, sa marque en bas à droite ; Vente anonyme ; New York, Parke Bernet Galleries, 13-14 juin 1955, n° 325 ; Chez Victor D. Spark, New York, 1957-1963 ; Vente anonyme ; New York, Christie's, 16 janvier 1992, n°111; Acquis lors de cette vente par l'actuel propriétaire ; Collection particulière, Paris Bibliographie : Hella Robels, 'Frans Snyders. Stilleben- und Tiermaler (1579-1657)', Munich, 1989, p. 229-230, n° 71 Commentaire : Cette majestueuse composition nous offre la quintessence de l'art de Snyders. Le peintre se révèle dans cette grande toile à la fois comme l'immense artiste que nous connaissons, mais aussi comme un peintre complet, maitrisant l'espace, la lumière, les mouvements, les fruits comme les fleurs et enfin capable de donner vie à des animaux pourtant morts ! Frans Snyders entre en 1593, à l'âge de 14 ans, dans l'atelier de Peter Brueghel II. Maître en 1602, il se rend en Italie, à Rome puis à Milan, durant un voyage de deux années en 1608 et 1609. De retour à Anvers, il se spécialise dans les natures mortes et sa réputation s'étend rapidement, à tel point que Rubens fait appel à lui entre 1611 et 1616 pour collaborer à certaines de ses œuvres. Ayant épousé en 1611 Marguerite de Vos, sœur de Cornelis et de Paul de Vos, il influence considérablement ce dernier pour ses sujets animaliers. Membre de la Société des Romanistes à Anvers en 1619, il en devient le doyen en 1628. Il s'impose comme l'un des peintres les plus importants et les plus reconnus de son époque, recevant de nombreuses commandes prestigieuses de la part des grands princes et des hauts dignitaires de l'empire Habsbourg, de Madrid à Bruxelles, de Vienne à Milan. Cette notoriété transparaît dans le portrait que fit de lui son ami Anton van Dyck qui le dépeint plus comme un grand seigneur que comme un artiste (fig. 1, New York, Frick Collection). Snyders reprend les thèmes chers à Beuckelaer et Aertsen avec une telle virtuosité qu'il les transforme, y insufflant une fougue et une ampleur inédites jusqu'alors. L'influence de Rubens apparaît prépondérante, avivée par les couleurs brillantes. Les compositions équilibrées s'ordonnent souvent autour d'un plan horizontal, comme ici la table drapée de rouge. La facture extrêmement sûre et alerte fait de ses natures mortes et plus précisément de ses différents étals, de gibier, de poissons, de légumes ou de fruits, de véritables documents où les éléments sont décrits avec une minutie presque scientifique. Le caractère exceptionnel de notre toile repose sur sa composition extrêmement architecturée qui joue avec brio des vides et des pleins. Nous n'avons pas en face de nous, comme trop souvent chez le peintre, une surabondance de choses éparses qui parfois semblent presque se bousculer les unes et les autres pour obtenir leur place au sein du tableau. Nous avons ici un sentiment de plénitude, de maitrise et de sagesse dans la construction qui permet d'une part de savourer pleinement chacun des éléments auquel l'artiste a accordé le plus grand soin, et d'autre part une vision d'ensemble majestueuse, élégante, une idée de perfection. La présence d'un bouquet de fleurs constitue aussi une rareté dans l'œuvre de Snyders. Le peintre était pourtant un formidable peintre de fleurs comme l'atteste le vase situé à gauche de notre composition. Marie-Louise Hairs remarque justement que le peintre utilise de façon récurrente pour ses fleurs la même forme de vase1, un vase balustre en verre translucide sur piédouche ourlé, celui-là même utilisé par Rubens dans Les quatre philosophes (1615, huile sur panneau, 167 x 143 cm., Palais Pitti, Florence). Le brocard coiffé de velours est saisissant et attire inexorablement les chiens qui, guidés par leur odorat, déjà s'en lèchent les babines comme dans le panneau récemment vendu dans nos salles2. 1. M.-L. Hairs, Les Peintres flamands de fleurs au XVIIe siècle, Roubaix, 1998, p. 301. 2. Vente anonyme ; Paris, Artcurial, 13 novembre 2019, n° 111 (huile sur panneau, 106 x 77 cm).

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