Colette (1873-1954). 31 L.A.S. «Colette» (une «Colette de Jouvenel»), [1914-1917…
Description

Colette (1873-1954).

31 L.A.S. «Colette» (une «Colette de Jouvenel»), [1914-1917 et s.d.], à Annie de PÈNE ; 120 pages formats divers (la 1ère au crayon, qqs fentes aux plis centraux), plusieurs à en-tête d'hôtels, 9 enveloppes. Très bel ensemble de lettres à son amie Annie de Pène, notamment de Verdun pendant la Guerre, puis d'Italie, où elle accompagne son mari Henry de Jouvenel. [Désirée Poutrel, dite Annie de PÈNE (1871-1918), femme de lettres et journaliste, que Colette évoque dans Le Fanal bleu, s'était mariée d'abord à Charles Battendier (dont elle eut une fille, écrivain et journaliste connue sous le nom de Germaine Beaumont, 1890- 1983), puis s'en était séparée pour vivre avec le journaliste Gustave Téry. Elle rencontra Colette vers 1910 et en devint une amie intime. Colette dira qu'elle fut «comme un précieux refuge, au début de la “grande guerre”», accueillant Colette dans le «phalanstère» de femmes, avec Musidora et Marguerite Moreno. Annie de Pène mourut prématurément de la grippe espagnole en 1918. Colette évoque notamment dans ces lettres la Guerre, et son mari Henry de Jouvenel («Sidi»), qu'elle rejoint à Verdun, puis qu'elle suit en Italie dans ses fonctions diplomatiques ; mais aussi son ami et confident Léon Hamel, les Confidences de femmes (1914) et les reportages d'Annie dans L'OEuvre, et le directeur de ce journal, compagnon d'Annie, Gustave Téry.] [Verdun, mi-décembre 1914]. Elle a encore «peu vu Sidi, assez pourtant pour constater qu'il est aussi “très joli” qu'un pharmacien de 1ère classe, et que je n'ai pas trop démérité à ses yeux. [...] Mais quelle épouvante à la gare de Verdun ! Le gendarme voulait nous faire reprendre le train - simplement. Il nous menace de venir nous chercher ici dans quatre jours, mais... on obviera»... Louise Lamarque n'a pas fermé l'oeil dans le train : «nous avons passé sur une voie canonnée. Beaux éclairs dans la nuit et beaux “boum” sourds. Ne vous effrayez pas, il n'y a eu qu'un obus, dans toute la journée, qui est tombé près de la voie. On se bat très activement, me dit Sidi, à quelques kilomètres d'ici»... [Vers Noël]. «Annie, si vous entendiez les projets d'avenir de Sidi, vous seriez partagée, juste par le milieu, entre l'admiration et le scandale. Je me refuse à les écrire, mais je vous les dirai dans le dernier détail». Elle aimerait qu'on fasse «remettre des ressorts neufs à mon grand sommier à la place de ceux qui sont... anémiés [...] Mais ceci frôle le chapitre de la grivoiserie». Elle parle de sa chatte (qui a fait une tache sur la lettre), aux «yeux d'émeraude un peu bleue. [...] Hamel vous dira que j'ai été “voir la bataille” sur la place de La Citadelle. C'est déjà beau de voir, si près, la source des lueurs roses, et les aurores rondes dans la brume, qui s'allument et s'éteignent dans le même dixième de seconde. Le bruit est magnifique, varié, aussi varié qu'un orage, proche, lointain, sec ou rond. À part “ça”, enfin, il n'y a qu'on ne parle pas de la guerre, ici, et qu'on ne s'en occupe pas. Les gens de Verdun se tordraient, s'ils voyaient Paris à l'heure où brille “La Libertél'intran”»... Samedi [début janvier 1915]. Elle va partir. «Sidi m'assure que je pourrai revenir ici trois semaines après»... Elle parle de boudin, de beurre, de truffes et de réussites gastronomiques : «vous m'apprendrez le boeuf au vin rouge, et les craquelins ? [...] je projette déjà de folles soirées de ciné, et des heures incomparables au Petit-Casino. Le général Gouverneur de la Place de Chaville, s'il ne nous accompagne pas, nous délivrera un permis de théâtre, aller et retour. Si vous aviez entendu rire Sidi sur votre papier de L'OEuvre ! Je dis sur, car il a ri dessus comme on se vautre sur un coussin»... [Février]. «Ô Annie, que ce beurre est donc mauvais ! Je n'ai pas eu le temps de vous avertir, et je l'aurais dû, car j'avais goûté, chez Potin, quel nectar ultra-salé on préparait pour nos soldats. S'ils en mangent, ils seront forcés de se saoûler. [...] Le Matin ? Mais jetez-vous donc, griffes dehors, sur Beaurain, de ma part, et tous les courriers pour Verdun seront à vos pieds ! Vos deux dernières lettres nous ont mis en joie, Sidi ne veut plus que des lettres de vous. (Comme ça, à Paris, je me ferai relayer : les jours pairs pour Annie, les jours impairs pour moi !)»... Elle apprend à jouer aux échecs avec Sidi : «Je n'avais plus que cette preuve d'amour à lui donner : je la lui donne»... Verdun [mai]. Elle annonce son retour. «Ma petite Annie, je n'ai rien à vous dire ; votre filleul, révolté, veut écrire à Téry pour avoir une autre marraine. Il a proféré des choses abominables sur l'inconstance des femmes, en même temps qu'il parlait de vous comme d'une de ses propriétés foncières»... Elle raconte sa rencontre de Mme du Gast dans le train, «coiffée d'un chapeau couvert de cerises, maquillée comme une pêche d'août, décolletée et parée de mille perles fausses [...] On dit que la guerre va bien. Je la vois ici sous un aspect très local, qui con

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colette (1873-1954).

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