Null Gabriel de Saint-Aubin (1724-1780) 
L’Enlèvement des filles. 1778. Eau-fort…
Description

Gabriel de Saint-Aubin (1724-1780) L’Enlèvement des filles. 1778. Eau-forte. 135 x 181. Très belle et rarissime épreuve sur vergé fort (filigrane : colombier), rognée sur le coup de planche, les initiales et la date à la plume et à l’encre en pied. Quelques traits de plume formant volutes autour du titre gravé en bas à gauche. Au verso, traces de colle dans les angles et restes d’onglets de montage le long des bords. Pli vertical le long du bord gauche, légèrement oxydé au verso, avec petites taches rousses claires visibles au recto. Réf. : Émile Dacier, L’Œuvre gravé de Gabriel de Saint-Aubin, notice historique et catalogue raisonné, Paris, Imprimerie Nationale, 1914, p. 166-167. Le sujet de cette gravure est une descente de police effectuant une rafle de prostituées, suite à la nouvelle ordonnance de 1778. Émile Dacier, dans son catalogue raisonné, cite les Mémoires secrets du 9 décembre 1778 : « Les paillards honteux de la capitale, peu allarmés de la dernière ordonnance de police concernant les filles publiques, parce qu’ils ne croyaient pas qu’elle fût mise en exécution, commencent à s’en plaindre amèrement depuis qu’ils se voient à la veille de manquer de cette denrée par les enlèvemens considérables qu’on en fait… » Gabriel de Saint-Aubin grava selon son catalographe Émile Dacier 51 pièces réparties sur 25 ans. Il grava en amateur et non en graveur de profession, et était connu pour dessiner en toutes circonstances, croquant ses contemporains sur le vif. Ses estampes à sujets de mœurs ont survécu en nombre très restreint : « pas une pièce dont on connaisse aujourd’hui dix épreuves », écrit Dacier. « Quand on rencontre ces épreuves annotées, retouchées à la plume, rehaussées de lavis, couvertes d’aquarelle ou de gouache, comment ne pas croire que ces estampes-là n’ont pas été tirées le plus souvent par l’auteur pour lui-même ou pour quelques amateurs de ses amis ? » (Dacier, p. 9-10). Notre épreuve semble bien rentrer dans cette catégorie, avec ses annotations et ses petits rehauts à la plume. Toutefois Dacier hésite à la classer dans la catégorie des eaux-fortes originales. Il perçoit bien pourtant dans ce sujet « telles formes caractéristiques où se reconnaît à coup sûr la main de Gabriel : les chevaux, avec leur tête petite et cambrée, sur un gros corps ; les pieds des hommes, toujours assez maladroitement dessinés. »  Cependant, avec une hésitation perceptible, il la classe dans les pièces gravées d’après Saint-Aubin. Il n’eut apparemment connaissance que d’une seule épreuve, conservée à la Bibliothèque d’Art et d’Archéologie, selon lui « unique épreuve connue ». Elle provenait de la vente du comte de B*** du 9 mai 1903 où, reconnaît Dacier, elle était clairement donnée à l’artiste (« n° 183 du catalogue, où elle est mise sans réserves sous le nom de Saint-Aubin, et reproduite »). La nôtre semble donc constituer la seconde épreuve connue. Les dimensions de notre épreuve sont légèrement supérieures à celles qu’il donne (135 x 181 contre 132 x 179). Dacier la décrit comme « gravure anonyme », « eau-forte pure, inachevée, avec de nombreuses retouches à la plume et au crayon ». Un examen de notre épreuve à la loupe montre que ce qu’il prend pour du crayon est en réalité un effet proche du vernis mou (les grisés étant imprimés). Notre épreuve porte bien, comme celle vue par Dacier, les initiales et la date rajoutées à la plume et à l’encre, ainsi que quelques petits ajouts à la plume en bas à gauche. On y voit une trace (d’étau ou de fausse morsure) au centre sous le trait carré supérieur, qui n’a pas encore été effacée au brunissoir. Nous avançons ici, contrairement à Dacier, qu’il s’agit d’une épreuve dûment gravée par Gabriel, où l’artiste s’essaie à un nouvel effet de grisé par le biais d’un vernis mou, ou peut-être de la gravure au soufre. Ce procédé mal maîtrisé ne lui ayant pas donné entière satisfaction, on peut supposer qu’il abandonna l’idée d’effectuer un tirage et apposa ses initiales et la date à la plume sur le nombre très limité d’épreuves qui fut tiré de ce cuivre. Les Goncourt analysèrent fort bien ces tentatives répétées du graveur : « Ce que nous avons dit de ses dessins dit assez que le dessinateur était né pour l’eau-forte. L’eau-forte est l’œuvre du démon et de la retouche. Le primesaut, le premier coup, la vivacité, le diable au corps, de la verve et de la main, il faut avoir toutes ces grâces, être plein du dieu, et de patience. Gabriel était l’homme de ce procédé libre, courant, volant, rempli de caprice et d’imprévu, avec sa cuisine empoignante, avec ces mystères de chimie, avec les surprises ou les déceptions de la morsure, avec les dégoûts et les reprises de goût pour une planche qu’on jette et qu’on reprend dix fois. » (Cité par Dacier, p. 26). Il semble qu’ici, il se soit arrêté en cours de route, nous laissant une planche inachevée quoique dotée d’un charme spontané et pittoresque.

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Gabriel de Saint-Aubin (1724-1780) L’Enlèvement des filles. 1778. Eau-forte. 135 x 181. Très belle et rarissime épreuve sur vergé fort (filigrane : colombier), rognée sur le coup de planche, les initiales et la date à la plume et à l’encre en pied. Quelques traits de plume formant volutes autour du titre gravé en bas à gauche. Au verso, traces de colle dans les angles et restes d’onglets de montage le long des bords. Pli vertical le long du bord gauche, légèrement oxydé au verso, avec petites taches rousses claires visibles au recto. Réf. : Émile Dacier, L’Œuvre gravé de Gabriel de Saint-Aubin, notice historique et catalogue raisonné, Paris, Imprimerie Nationale, 1914, p. 166-167. Le sujet de cette gravure est une descente de police effectuant une rafle de prostituées, suite à la nouvelle ordonnance de 1778. Émile Dacier, dans son catalogue raisonné, cite les Mémoires secrets du 9 décembre 1778 : « Les paillards honteux de la capitale, peu allarmés de la dernière ordonnance de police concernant les filles publiques, parce qu’ils ne croyaient pas qu’elle fût mise en exécution, commencent à s’en plaindre amèrement depuis qu’ils se voient à la veille de manquer de cette denrée par les enlèvemens considérables qu’on en fait… » Gabriel de Saint-Aubin grava selon son catalographe Émile Dacier 51 pièces réparties sur 25 ans. Il grava en amateur et non en graveur de profession, et était connu pour dessiner en toutes circonstances, croquant ses contemporains sur le vif. Ses estampes à sujets de mœurs ont survécu en nombre très restreint : « pas une pièce dont on connaisse aujourd’hui dix épreuves », écrit Dacier. « Quand on rencontre ces épreuves annotées, retouchées à la plume, rehaussées de lavis, couvertes d’aquarelle ou de gouache, comment ne pas croire que ces estampes-là n’ont pas été tirées le plus souvent par l’auteur pour lui-même ou pour quelques amateurs de ses amis ? » (Dacier, p. 9-10). Notre épreuve semble bien rentrer dans cette catégorie, avec ses annotations et ses petits rehauts à la plume. Toutefois Dacier hésite à la classer dans la catégorie des eaux-fortes originales. Il perçoit bien pourtant dans ce sujet « telles formes caractéristiques où se reconnaît à coup sûr la main de Gabriel : les chevaux, avec leur tête petite et cambrée, sur un gros corps ; les pieds des hommes, toujours assez maladroitement dessinés. »  Cependant, avec une hésitation perceptible, il la classe dans les pièces gravées d’après Saint-Aubin. Il n’eut apparemment connaissance que d’une seule épreuve, conservée à la Bibliothèque d’Art et d’Archéologie, selon lui « unique épreuve connue ». Elle provenait de la vente du comte de B*** du 9 mai 1903 où, reconnaît Dacier, elle était clairement donnée à l’artiste (« n° 183 du catalogue, où elle est mise sans réserves sous le nom de Saint-Aubin, et reproduite »). La nôtre semble donc constituer la seconde épreuve connue. Les dimensions de notre épreuve sont légèrement supérieures à celles qu’il donne (135 x 181 contre 132 x 179). Dacier la décrit comme « gravure anonyme », « eau-forte pure, inachevée, avec de nombreuses retouches à la plume et au crayon ». Un examen de notre épreuve à la loupe montre que ce qu’il prend pour du crayon est en réalité un effet proche du vernis mou (les grisés étant imprimés). Notre épreuve porte bien, comme celle vue par Dacier, les initiales et la date rajoutées à la plume et à l’encre, ainsi que quelques petits ajouts à la plume en bas à gauche. On y voit une trace (d’étau ou de fausse morsure) au centre sous le trait carré supérieur, qui n’a pas encore été effacée au brunissoir. Nous avançons ici, contrairement à Dacier, qu’il s’agit d’une épreuve dûment gravée par Gabriel, où l’artiste s’essaie à un nouvel effet de grisé par le biais d’un vernis mou, ou peut-être de la gravure au soufre. Ce procédé mal maîtrisé ne lui ayant pas donné entière satisfaction, on peut supposer qu’il abandonna l’idée d’effectuer un tirage et apposa ses initiales et la date à la plume sur le nombre très limité d’épreuves qui fut tiré de ce cuivre. Les Goncourt analysèrent fort bien ces tentatives répétées du graveur : « Ce que nous avons dit de ses dessins dit assez que le dessinateur était né pour l’eau-forte. L’eau-forte est l’œuvre du démon et de la retouche. Le primesaut, le premier coup, la vivacité, le diable au corps, de la verve et de la main, il faut avoir toutes ces grâces, être plein du dieu, et de patience. Gabriel était l’homme de ce procédé libre, courant, volant, rempli de caprice et d’imprévu, avec sa cuisine empoignante, avec ces mystères de chimie, avec les surprises ou les déceptions de la morsure, avec les dégoûts et les reprises de goût pour une planche qu’on jette et qu’on reprend dix fois. » (Cité par Dacier, p. 26). Il semble qu’ici, il se soit arrêté en cours de route, nous laissant une planche inachevée quoique dotée d’un charme spontané et pittoresque.

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