MORAND & MORAND - Collection d'automates Roullet Descamps

lundi 04 avril 2022

Le 4 avril prochain, la maison de ventes Morand & Morand présentera à l’Hôtel Drouot une importante collection d’automates. La dispersion émane de la succession de Madame Bellancourt, arrière-petite-fille de Jean Roullet, fondateur de la célèbre fabrique d’automates Roullet Descamps.

Jean Roullet est né en 1829 dans le Dauphiné où il reste jusqu’à son adolescence. À 16 ans, il arrive à Paris, ne sachant ni lire ni écrire. Il s’instruit néanmoins et apprend le métier d’outilleur – point de départ de toute fabrication mécanique. Il épouse Françoise Midon, la fille d’un commerçant installé dans le quartier de République, ce qui facilite son installation. Et en effet, il s’installe à son compte en 1865, en tant que mécanicien outilleur, en plein coeur du Marais. À cette époque, le Marais regorge de petites entreprises : fabricants de bijoux, de jouets de bimbeloterie, etc.

À quelques minutes à peine de son atelier, la rue Montmorency compte 10 fabricants de jouets. Parmi eux se trouve Théroude, père de la plus ancienne fabrique de jouets mécaniques automates du XIXe siècle dont le nom soit parvenu à aujourd’hui, fondée en 1832.

À force de faire des outils et des pièces mécaniques pour les jouets, dont pour Théroude, Jean Roullet se met à concevoir ses propres modèles, en association avec un de ses clients, Monsieur Lamour, sertisseur. Il produisit alors un petit sujet qui avançait en poussant une brouette, tout de porcelaine et de métal embouti. Le mouvement de la marche était soigneusement reproduit, et la roue de la brouette assurait la stabilité. Présenté à l’exposition internationale de 1867, il y reçut une médaille de bronze.

De 1868 à 1870, la maison Lamour et Roullet figure dans l’annuaire du commerce comme « fabrique de jouets automates brevetés ». Les termes « commission exportation », qui s’ajoutent dès 1869, illustrent l’importance prise en très peu de temps par la fabrique. Mais l’association Lamour Roullet fut de courte durée : elle se termine en 1870 et Jean Roullet continue seul.

En 1879 sa fille unique Henriette épouse son chef d’atelier, Ernest Henri Decamps. C’est donc pour son gendre que la marque de fabrique porte les lettres R et D, apposées au-dessus du petit jardinier.

Les sujets

Si les automates ne sont généralement pas signés, ils possèdent néanmoins deux éléments qui permettent de les distinguer d’une fabrique à l’autre. Le premier est le mécanisme : comme celui d’un horloger, les composants et l’articulation des pièces pour créer le mouvement sont uniques. Le second est le sujet de l’automate.
L’automate est souvent exotique ou théâtral. Contrairement à sa rivale la poupée qui est habillée comme les mamans des enfants, l’automate semble tout droit sorti de l’opérette. Il est page, marquis, troubadour, bergère, etc. Acteur muet, il est destiné à être toujours en représentation, et pour qu’il ne soit pas trop encombrant, il mesure en moyenne 50 cm à 70 cm. Pour ces dimensions, pas question de métal : d’un moule en plâtre, des cartonniers produisent les pièces qui seront ensuite assemblée et animées. Parfois même, certains sujets sont bien plus grands : c’est le cas de Bécassine qui mesure 135 cm, et dont la tête et les bras prennent vie.
   
 
La production de Roullet Descamp distingue les automates des jouets animés pour enfants. Ils représentent souvent des animaux, qui marchent, sautent, courent, pédalent, roulent et sortent même de leurs niches (brevet de 1886). La vente inclus plusieurs modèles, à l’instar de la tortue, le kangourou, le canard, le lapin, l’éléphant, et bien d’autres encore. Toute une partie de la production était aussi pensée à l’intention des petites filles. Ainsi retrouve-t-on la nourrice berçant son bébé, bébé nourrissant le chat, bébé manchon, aux visages de porcelaine.

Le clown est un sujet important dans le panel des automates. Plus l’on s’approche de la fin du XIXe siècle, plus l’anatomie est soignée, les gestes sont plus grâcieux et l’attitude est plus précise. Cette recherche dans l’élégance atteint son apogée lorsque le fils ainé d’Ernest Decamps, Gaston, élève à l’école des Arts Décoratifs intervient dans la conception des modèles. 
 
   
 
Pour personnaliser les sujets, un soin tout particulier est apporté aux têtes, les corps étant beaucoup plus interchangeables. Exécutées en carton elles sont animées de mouvements de paupières, d’yeux, de bouche, ou de sourcils. Roullet Descamps se fourni notamment chez Jumeau pour les têtes ; ce qui a généré beaucoup d’erreurs d’attribution par la suite. 

La Guerre de 1914 marque un tournant pour le fabricant. Jean Roullet perd son frère, également son collaborateur le plus précieux, et les automates et jouets sont désormais distincts. Les automates sont alors destinés à la publicité. Néanmoins, les petits sujets à musique, les poupées marcheuses, les animaux buveurs, fumeurs ou faiseurs de bulles de savon continuent d’être fabriqués en série jusqu’en 1930, 35 ou 40 suivant les modèles.

Entre 1940 et 1945, l’entreprise ne peut pas se développer : les stocks de métaux sont confisqués ou rarissimes. Mais dès la fin de la Guerre, Paris commence à renaître et la première vitrine de noël mettra en scène « les animaux célèbres » d’après les dessins de Jean Eiffel. Les jeunes acheteurs des grands magasins américains redécouvrent alors les jouets mécaniques. C’est là que Roullet Descamps obtient la précieuse carte « d’exportateur », qui suppose un chiffre d’affaires de 5% à l’exportation.

Le milieu du XXe siècle a néanmoins signé la fin des automates. Avec une concurrence toujours plus rude, arrivant autant des États-Unis que du Japon, Roullet Descamps devait redoubler d’imagination pour subsister. Quelques commandes hors du commun ont marqué l’entreprise, telles la réalisation d’un éléphant grandeur nature qui pouvait promener des enfants sur son dos à travers les rayons d’un grand magasin de Chicago ou Patrice Chéreau, qui souhaitait que le personnage clé « Olympia » soit un véritable automate et non une chanteuse mimant l‘automate. Mais le déclin de l’entreprise subsistait. C’est alors que Cosette Descamps, arrière-petite fille de Jean Roullet (illustrée ci-contre) entrepris d’abriter les automates qui lui étaient parvenus dans un écrin qui pourrait les entretenir. En 1985, l’État français acquiert la collection, désormais conservée au musée national Descamps à Souillac.

Du petit jardinier à Olympia, quatre générations avaient fait vivre cette entreprise, mêlant savoir technique et imagination créatrice, miroir fidèle des évolutions de la vie française durant 130 années.


Vente aux enchères publique – Hôtel Drouot – salle 9
Lundi 4 avril – 14h

Exposition publique – Hôtel Drouot – Salle 9
Vendredi 1er avril – 11h / 18h
Samedi 2 avril – 11h / 18h
Lundi 4 avril – 11h / 12h


Partager sur
Morand & Morand

Jouets, automates

Vente : lundi 04 avril 2022
Salle 9 - Hôtel Drouot - 9, rue Drouot 75009 Paris, France
Maison de vente
Morand & Morand
Tél. 01 40 56 91 96