MIRABAUD MERCIER - L'ENTIER MOBILIER DU CHÂTEAU DE JOUAC

mardi 29 mars 2022
Vente de l'entier mobilier du Château de Jouac
Propriété familiale de Clovis Trouille

 

Expert : Antoine Lescop de Moÿ

Les héritiers de Clovis Trouille, peintre subversif, antimilitariste et anticlérical, baptisé par André Breton « Le grand maître du tout est permis », vendent l’entier mobilier du Château familial de Jouac en Haute-Vienne. La collection de mobilier et objets d’art de la propriété a été constituée au fil du temps et des générations. Elle rassemble des meubles d’une exceptionnelle qualité réalisés par les plus grands ébénistes de la seconde moitié du XIXe siècle, Sormani, Linke, Dasson, Befort, E. Kahn etc. et des pièces de bronze remarquables, lustres et candélabres, certaines signées. Parmi les 300 lots figure aussi la bibliothèque Art Nouveau de Clovis Trouille attribuée à Majorelle, forte de symboles lorsque l’on sait combien l’artiste fabriquait des images extravagantes nourries de références empruntées aussi bien aux arts populaires, à la Renaissance qu’à l’Art Nouveau.
 

 
Une cathédrale anticléricale

« Tout gamin je déchiffrai péniblement un petit carton qui se trouvait dans une des trois petites vitrines, alors juste à ma portée : DEBOUTONNEZ VOTRE CERVEAU AUSSI SOUVENT QUE VOTRE BRAGUETTE. » Henri Lambert, petit-fils de Clovis Trouille, février 2022.

La peinture de Clovis Trouille est élaborée par des équivalents littéraires et poétiques, par l’image, par les découpages et collages photographiques. Cette juxtaposition de références sert une transgression à la pensée bourgeoise revendiquée, il qualifiera lui-même son art de « Voyou, voyant et voyeur ».
Ce précieux corpus documentaire qui constituait les constructions mentales de Clovis Trouille était soigneusement organisé dans une vitrine d’exposition, devenant par l’usage une sorte de cathédrale anti cléricale. Il s’agit d’un imposant meuble réalisé par l’Ecole de Nancy autour des années 1900. Cette école prendra son essor lors de l’Exposition Universelle de Paris de 1889 par la reconnaissance du talent de Louis Majorelle et d’Emile Gallé. Cette année-là voit l’érection de la Tour Eiffel, et de Clovis Trouille le 24 octobre.
Le contenu de la bibliothèque était constitué de trois sortes d’ouvrages, ceux forts abondants, allant des origines de l’Art pariétal jusqu’à ses amis surréalistes, un second volet concernait la poésie très majoritairement française, avec là aussi la présence de ses amis tels qu’Eluard, René Char, Reverdy et d’autres encore. Parmi ces livres, les plus prestigieux avaient le privilège d’une couverture élaborée par Clovis sur laquelle il collait de gros boutons de vêtement féminins aux couleurs chatoyantes, l’effet était formidable. En bas du meuble, invisibles, se tenaient à carreau les livres et dessins érotiques depuis l’Antiquité jusqu’à son ami Pierre Molinier.
 
Clovis Trouille au Château de Jouac
devant sa bibliothèque
ÉCOLE DE NANCY
attribué à Louis MAJORELLE
Vitrine d’exposition à deux corps ou meuble de collectionneur en acajou -  Époque Art Nouveau
H: 272 ; L :142 ; Prof. : 50 cm
Provenance : Collection Clovis Trouille
Estimation : 5 000 - 8 000 €


Un hommage aux grands ébénistes du XIXe siècle

La collection du Château de Jouac est surtout un hommage aux grands ébénistes du XIXe siècle, dont les cotes volent aujourd’hui la vedette à ceux du XVIIIe siècle. En effet, la production d’excellence flirte avec les enchères millionnaires attirant une clientèle étrangère essentiellement américaine, chinoise, moyen-orientale et russe qui affectionne aussi bien la qualité de la finition que l’exubérance des ornementations en bronze.

L’une des pièces les plus emblématiques de la collection du Château de Jouac est un buffet de Paul Sormani (estimation 30.000/40.000€), inspiré d’une oeuvre de Carlin. Ebéniste d’origine lombardo-vénitienne établi à Paris dès 1847, Paul Sormani (1817-1877) s’est très vite attiré les faveurs des têtes couronnées. Son talent notamment à doter ses pièces d’une riche ornementation de bronzes à la technique parfaite, comme en témoigne le meuble présenté ici, va trouver un écho favorable dans l’avènement du second Empire et le goût prononcé de l’impératrice Eugénie pour les meubles Louis XV et Louis XVI. Ses participations remarquées aux expositions internationales de 1855, 1862 et 1867 sont couronnées de médailles. Lors de celle de 1867, son travail est salué comme révélant « une qualité d’exécution de tout premier ordre ».

Paul SORMANI (1817-1877)
BUFFET à ressaut en placage d'ébène et bois laqué dans le goût des panneaux en laque du Japon
Dessus de marbre brocatelle d'Espagne
Signée sur la serrure « P. SORMANI à Paris/ rue du Temple 114 ».
Haut. : 108 ; Larg. : 160 ; Prof. : 63 cm
Estimation : 30 000 - 40 000 €

 
En 1914, le fils de Paul Sormani, Paul-Charles (1848-1934) s'associe avec Thiebault frères pour créer une boutique au 134 boulevard Haussmann. Cette boutique qui produisait des pièces de grande qualité dans le style Louis XV et Louis XVI, perdura jusqu'en 1934, date de sa fermeture. On remarquera que le bureau à cylindre (estimation 15 000 - 20 000 €) signé Sormani, est un mélange de Riesener et Weisweiler, présentant la même marqueterie de losange que les meubles de Marie Antoinette qui sont à Versailles.
PAUL SORMANI
SECRÉTAIRE DROIT
Signé Paul SORMANI 10 rue Charlot Paris sur la serrure de l'abattant
Style Louis XVI d'après le modèle de Philippe Claude MONTIGNY se trouvant aux Musées des Arts Décoratifs.
Haut. 146 cm Long. 100 cm Larg. 45 cm
Estimation : 10 000 - 15 000 €
SORMANI
BUREAU À CYLINDRE
Signé SORMANI PARIS 134 bd Haussmann sur la serrure du tiroir de gauche.
Beau modèle de style Louis XVI dans le goût d’Adam
WEISWEILER
Haut. 111 cm Larg. 100 cm Prof. 60 cm
Estimation : 15 000 - 20 000 €


« Les ébénistes de la seconde partie du XIXe firent preuve d’une ingéniosité et d’une érudition inouïes. Certains copiaient les meubles royaux pour répondre à la demande d’une riche clientèle de bourgeois industriels. Et puis d’autres prenaient de la liberté par rapport aux originaux jusqu’à la folie, comme dans cet important bureau plat à caissons attribué à Joseph-Emmanuel Zwiener, inspiré de la commode aux singes de Cressent, entièrement revisité avec une exubérance folle » explique Antoine Lescop de Moÿ, l’expert de la vente.

Attribué à Joseph-Emmanuel ZWIENER
IMPORTANT BUREAU PLAT À CAISSONS de forme galbée, en bois de placage marqueté en feuilles, ouvrant par trois tiroirs dont l'un avec un casier sécurisé, les pieds cambrés. Beau modèle de style Louis XV inspiré de la commode aux singes de CRESSENT et de la paire d'encoignures aussi de CRESSENT
Haut. : 84 ; Larg. : 200 ; Prof. : 100 cm
Note : un bureau identique estampillé de ZWIENER dans le commerce d'Art parisien
Estimation : 25 000 - 35 000 €

Moins connu par le grand public que Sormani, Mathieu Befort dit Befort Jeune (1813-1880) est très recherché par les spécialistes car ses productions sont rares sur le marché. La collection du Château de Jouac présente une paire de meubles de style Louis XVI à hauteur d’appui en bois laqué noir présentant un décor d’une scène mythologique en vernis Martin, estampillées de l’ébéniste (estimation : 25 000 - 35 000 €). Mathieu Befort, spécialisé comme son père dans la fabrication des meubles Boulle à marqueteries complexes et bronzes, a vu ses œuvres prendre de plus en plus de valeur au fil des décennies. On peut voir quelques-unes de ses œuvres dans le bureau du Président à l’Elysée où figure une paire de cabinets, dans les couloirs du Louvre, et dans quelques châteaux et musées prestigieux dont celui de l’Hermitage à Saint Pétersbourg.
 

PAIRE DE MEUBLES à hauteur d'appui en bois laqué noir ouvrant par une porte à décor d'une scène mythologique en vernis Martin - Estampilles de Mathieu BEFORT dit BEFORT JEUNE (1813-1880)
Style Louis XVI, fin du XIXe siècle
Haut. 121 cm Larg. 132 cm Prof. 44 cm
Estimation : 25 000 / 35 000 €

 
François Linke (1855-1946) maitrisait totalement les techniques du XVIIIe siècle. D’abord apprenti dans sa ville natale de Pankraz en Bohême, il arriva à Paris en 1875 et fonda son propre atelier en 1881 rue du Faubourg Saint-Antoine. Vers 1900, il était à la tête d’une véritable entreprise de 90 compagnons. En 1900, même si sa réputation comme un des grands maîtres du mobilier de haute qualité était faite, sa participation à l’Exposition Universelle de Paris marqua le sommet de sa réputation. Linke exposa un ensemble de pièces extraordinaires dont un grand bureau qui lui valut la médaille d’or. L’Exposition couronna son succès et renforça la stabilité financière de son entreprise, un succès qu’il doit à une technique de fabrication irréprochable, en accord avec la grande tradition de l’ébénisterie française dont il est le digne héritier.
Deux très jolis meubles de Linke figurent dans la collection : une ravissante table vitrine (estimation 15 000 - 20 000 €) et une table de milieu plus classique (estimation 12 000 - 18 000 €) toutes deux signées F Linke.

François LINKE (1855-1956)
TABLE VITRINE en bois de placage marqueté
Style Louis XV. Signée F. LINKE sur une chute à l'arrière.
Haut. 77 cm Larg. 110 cm Prof. 64 cm.
Estimation : 15 000 - 20 000 €

 
Bronzier de formation, Henri Dasson (1825-1896) fait partie des ébénistes et bronziers les plus réputés de la seconde moitié du XIXe siècle. Présent dans la plupart des grandes expositions, il est à chaque fois salué par la critique. La qualité de son ébénisterie et de ses bronzes est récompensée lors des Expositions Universelles. La collection du château de Jouac présente une commode estampillée deux fois DASSON 1879 qui reprend un modèle de Riesener (estimation 12 000 - 18 000 €).

Henry DASSON
COMMODE, le bâti en acajou massif à décor de croisillons et quartefeuilles, la façade à ressaut, les côtés concaves, ouvrant par cinq tiroirs sur trois rangs.
Ornementation de bronzes ciselés et doré
Estampillée deux fois Henry DASSON 1879 au dos.
Style Louis XVI d'après un modèle de RIESENER.
Haut. : 95 ; Larg. : 167 ; Prof. : 62,5 cm
Estimation : 12 000 - 18000 €

 
E. KAHN & Cie était l’un des meilleurs ébénistes de la fin du XIXe siècle et pourtant il ne figure pas dans les ouvrages dédiés. « Est-ce en raison de la confusion entre l’ébéniste bronzier et le fondeur qui portaient le même nom ? » s’interroge Antoine Lescop de Moÿ qui a découvert la signature sous une chute de bronze. E. KAHN & Cie possédait des salles d’exposition à Paris, à Londres et à New York. La magnifique commode médailler présentée dans la collection du Château de Jouac a été fabriquée par E. KAHN & Cie à la fin du XIXe siècle d’après le médailler réalisé par Antoine-Robert GAUDREAUS et les frères SLODTZ livré en 1739 pour le cabinet du Roi Louis XV à Versailles où il est conservé (estimation 15 000 - 20 000 €).
 

E. KAHN & Cie
IMPORTANTE COMMODE MEDAILLER en bois de placage
Riche ornementation de bronzes ciselés et dorés.
Signé E. KAHN sous une chute en bronze.
Fin XIXe/début XXe.
Haut. : 94 ; Larg. : 185 ; Prof. : 67 cm
Estimation : 15 000 - 20 000 €

La production mobilière du dernier quart du XIXe siècle qui consiste à copier des meubles royaux ou d’autres chefs-d’oeuvre du XVIIIe siècle français, trouve ici toute son illustration. L’original de cette commode fut commandé en 1755 à Jean Henri RIESENER pour la chambre du Roi Louis XVI à Versailles. Rachetée en 1847 par le Duc d’Aumale pour le château de Chantilly, elle se trouve aujourd’hui au Musée Condé. Recopiée fréquemment, celle-ci est d’une qualité sans faille.

D’après Jean-Henri RIESENER
IMPORTANTE COMMODE « aux guerriers » en bois de placage - Riche ornementation de bronzes ciselés et dorés
Style Louis XVI, XIXe siècle - Haut. 95, 5 cm Long. 210 cm Larg. 80 cm
Estimation : 20 000 - 30 000 €

Ernest Mottheau (1841-1905) est un bronzier peu connu du grand public mais très recherché par les spécialistes. Ce lustre de style Régence d’après un modèle de Boulle, présente une ciselure d’une qualité particulièrement exceptionnelle (estimation 5.000/7.000€).









Ernest MOTTHEAU (1841-1905)
LUSTRE en bronze joliment ciselé et doré à huit bras de lumière. Signé.
Style Régence, fin du XIXe siècle, d'après un modèle de BOULLE.
Haut. : 95 ; Diam. : 95 cm
Estimation : 5 000 - 7 000 €





 
Vente aux enchères publique - Hôtel Drouot - Salle 5/6
Mardi 29 mars 2022 - 14h

Exposition publique - Hôtel Drouot - Salle 5/6
Samedi 26 mars 2022 - 11h/18h
Lundi28 mars 2022 - 11h/18h
Mardi 29 mars 2022 - 11h/12h

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