TESSIER & SARROU - Madame sort ses griffes

vendredi 28 mai 2021
 
Le 28 mai prochain, une nouvelle vente « Madame sort ses griffes » sera proposée à Drouot par la maison Tessier & Sarrou. La femme et les grands couturiers seront à l'honneur, à travers des créations de certaines des plus grandes maisons : Chanel, Pierre Balmain, Dior ou encore Madame Grès. L’œuvre d’Elsa Schiaparelli sera également mis en lumière avec plusieurs lots, en particulier sa très célèbre veste Galerie des Glaces de la collection Cosmique.

Italienne, né à Rome où elle commence des études de philosophie, Elsa Schiaparelli part vivre cinq ans aux États-Unis avant de rentrer en Europe avec sa fille, où elle s’installe à Londres puis à Paris. En 1929, elle ouvre son premier salon de couture où elle présente quelques modèles à ses meilleurs clientes. En 1935, elle déménage dans de nouveaux locaux qu’elle fait décorer par Jean-Michel Franck et pour lequel Diego Giacometti créera spécialement de nombreux accessoires.

L’influence d’Elsa Schiaparelli sur la mode des années 1930 est telle que beaucoup ont surnommé cette période (1935-1939) « les années Schiaparelli ». Plus qu’un couturier, « Schiap » aura été durant ces années l’interprète des grands courants artistiques qui auront baigné son œuvre, en particulier le surréalisme.
Collection « Zodiaque », automne Hiver 1938-1939
Belle et rare veste de diner « Galerie des glaces »
en velours de soie brodée par Lesage de lame d’or encadrant deux mosaïques de vingts-sept petits miroirs biseautés, maintenus par des étoiles de verre. Fermée sur le devant par quatre boutons à motifs de têtes de style néoclassique. Fronces tournantes aux épaules. Porte un bolduc « 362 »
Estimation : 40 000 - 60 000 €
 

LA COLLECTION COSMIQUE, UNE RÉFÉRENCE À L'ASTRONOMIE ET  AU ROI SOLEIL 

L'une des caractéristiques de l’œuvre de ce génie de la mode sera de fixer systématiquement un thème à ses collections. La collection « Cosmique » 1 de Schiaparelli est marquante par ses broderies somptueuses et ses ornements. Comme toutes les collections de Schiaparelli, le thème est un mélange de références historiques, d’idées et d’événements contemporains. Présentée en Août 1938, la collection abordait l’astrologie, les planètes, les constellations, le soleil, le roi Louis XIV et son successeur Louis XV. L’intérêt de Schiaparelli pour le néoclassicisme et le XVIIIe siècle est évident dans cette veste avec des miroirs brodés. Les dix-sept arcades massives de la Galerie des Glaces, chacune remplie de miroirs, ont dû inspirer les cartouches baroques de ce devant de veste, au motif d’un face-à-main, utilisé d’ailleurs depuis l’Antiquité.

UNE ATTENTION PORTÉE AUX MOINDRES DÉTAILS

La qualité de la broderie de cette veste démontre la haute maîtrise de la maison Lesage avec qui Schiaparelli collaborait régulièrement. En outre, cette attention aux détails se retrouve dans le choix de ses  boutons. Les quatre boutons de notre veste, moulés dans un composite en forme de tête de femme gréco-romaine, font écho aux références classiques de la collection. Il est probable que les boutons aient été modelés sur une image de la déesse Arethusa montrée sur une pièce de monnaie grecque antique frappée à Syracuse sur l’île de Sicile vers 410-400 avant notre ère. Arethusa et sa connexion avec Syracuse avaient une signification personnelle pour Schiaparelli. Son père Celestino était un grand collectionneur de pièces et un expert de la Sicile musulmane tandis que son oncle Giovanni, l’astronome, découvrit la double apparition d’Arethusa Lacus sur Mars en 1888. Arethusa était aussi le titre d’un livre de poèmes d’amour passionnés qu’elle écrivit à l’âge de vingt-et-un ans.

UNE VESTE SURRÉALISTE

Plus encore que ce rappel à Versailles, le miroir renvoie aussi au « merveilleux » de Breton et à la magie de la haute couture où tout est possible. Le surréaliste Pierre Mabille a décrit le miroir comme « l’instrument magique le plus banal et le plus extraordinaire de tous » qui « évoque des problèmes fondamentaux à l’identité de soi, les personnages de la réalité ». Mais plus encore, une provocation surréaliste s’introduit également dans la surface fracturée des miroirs, « brisés ». Les miroirs de Schiaparelli sont ainsi à la fois un héritage historique de l’art et une sensibilité contemporaine répondant à un monde au bord de la guerre. Jean Cocteau définira d’ailleurs l’atelier de Schiaparelli comme « un laboratoire du diable. Les femmes qui s’y rendent tombent dans un piège et en ressortent masquées, déguisées, déformées ou réformées, selon les caprices de Schiaparelli ».

RENAISSANCE ET HOMMAGE

La Maison Schiaparelli a fermé ses portes en 1953 et renaît en 2016 sous le nom de Diego della Valle. Pour la collection haute couture automne/hiver 2018-2019, le couturier Bertrand Guyon a rendu hommage au soixante-dixième anniversaire de la collection hiver 1938-1939 en réinventant le smoking de la Galerie des Glaces pour le XXIe siècle. Le velours noir d’origine a été remplacé un riche bleu foncé et la broderie d’or par de l’argent. La robe longue au sol avec son dos plongeant s’est transformée en jupe mi-mollet fendue sur le haut de la cuisse. Les poignées du miroir ne s’enroulaient plus autour du cou, mais caressaient de manière séduisante les hanches.

 
Vente aux enchères publique - Drouot - Salle 2
Vendredi 28 mai - 14h

Exposition publique - Drouot - Salle 2
Mercredi 26 mai - 11h/18h
Jeudi 27 mai - 11h/18h
Vendredi 28 mai - 11h/12h

Partager sur