Anne-Louis GIRODET-TRIOSON (Montargis 1767 - 1824 Paris) - Portrait d'Alexandre Ier (1777-1825), Tsar de Toutes les Russies, en uniforme, vu de profil
Pierre noire et estompe sur papier.
H. 98 x L. 98 mm. (la vue) ; H. 160 x L. 126 mm. (la feuille)
Provenance
- Antoine-César Becquerel (1788-1878), Châtillon-Coligny et Paris, ami et exécuteur testamentaire de Girodet
- Puis par descendance jusqu'au printemps 2023
Historique
Le tsar Alexandre est, de tous les monarques ayant participé à la chute de Bonaparte, celui qui exerça la plus profonde fascination de la part du public d'Europe occidentale, qui y voyait un exemple de sagesse, de succès et de magnanimité : en somme, un "nouvel Alexandre".
Jacques-Louis David affirmait même, en 1814, « [qu’] Alexandre a fait la conquête de tous les hommes d’Art et [il] ne doute pas que beaucoup se disposent à aller vivre dans ses États ».
Il est vraisemblable que notre dessin soit un souvenir de la mémorable journée du 31 mars 1814, jour de la capitulation de Paris et de l'entrée des troupes alliés. Grâce au témoignage de Jacques Bouchet de Perthes (1788-1868) dans ses Mémoires, nous savons que Girodet comptait parmi les observateurs du défilé.
Après avoir reçu, à 8 heures, l'ensemble des maires d'arrondissement de Paris qui lui remettent les clefs de la ville, le tsar Alexandre fait son entrée à 10 heures, par la porte Saint-Martin, en grande tenue, suivie de toute l'armée alliée. Les cosaques de la garde impériale russe en tête, suivis des hussards et des cuirassiers prussiens, ouvrent la marche. Derrière, le tsar, avec à sa droite le général Schwarzenberg (en tant que représentant de l'empereur d'Autriche) et à sa gauche le roi de Prusse.
Bien que l’accueil réservé aux troupes alliées soit prudent dans les faubourgs, il en va autrement à partir de la porte Saint-Denis. En effet, les Parisiens, dont certains essayent de voir la scène du haut des arbres ou des toits, applaudissent et souhaitent la bienvenue aux Alliés.
Enfin la tête du cortège arrive aux Champs-Élysées vers 15 heures, où les souverains mettent pied à terre et s'installent pour voir défiler leur troupes et les passer en revue, jusque vers 17 heures, avant qu'elles ne ressortent de Paris par la porte de Neuilly.
Notre dessin, réalisé à la façon d'un profil de médaille, visage serein, marque l'intérêt de Girodet pour le nouveau maître de l'Europe, lequel consacra son règne à instaurer un nouvel équilibre des puissances, sans mettre la France au ban des nations. Il chercha à imposer une révolution diplomatique par de nouvelles règles internationales fondées sur des principes chrétiens (allant jusqu’à proposer un désarmement), espoir qui s'évanouit avec sa mort prématurée en 1825.
Notre dessin fit partie de la collection d'Antoine-César Becquerel, fils de la cousine germaine de Girodet, qui peut être considéré comme le plus proche parent de l'artiste en raison de l'amitié qui les unissait. Une tradition familiale, que les correspondances semblent confirmer, assure que c'est sur les conseils de Girodet que Becquerel embrassa des études de physique qui conduisirent son fils Edmond (1820-1891) et son petit-fils Henri (1852-1908) aux célèbres découvertes sur la radioactivité. Antoine-César Becquerel est l'exécuteur testamentaire du peintre : mandaté par les héritiers légaux, Charles-Denis et Rosine Becquerel-Despréaux, neveux de Girodet et ses cousins, il se chargea d'accomplir les dernières volontés du maître et prit en charge sa succession. Il acquit une grande partie du fonds d'atelier de Girodet et réunit ainsi une des plus belles collections de ses dessins, esquisses et tableaux. C'est sur son initiative que les suites de dessins et les œuvres poétiques du peintre furent publiées de manière posthume. Il est à l'origine de la constitution du fonds Girodet du Musée de Montargis.
Littérature
- Jacques Boucher de Perthes, Correspondance de Jacques Boucher de Perthes, 1788-1868, témoin de dix règnes, H. et J. Perchellet (éd.), Le Raincy, 1947.
- S. Lemeux-Fraitot en collaboration avec V. Bajou, 'Inventaire après décès d'Anne-Louis Girodet-Trioson (1767-1824)', dans Inventaires après décès de Gros et de Girodet, documents inédits, S. Lemeux-Fraitot et V. Bajou, Paris, 2003.
- Guillaume Nicoud. Les Russes à la conquête des ateliers parisiens en 1814 In : Les Russes en France en 1814 : Des faits, des imaginaires et des mémoires [en ligne]. Paris, 2019
Légende de l'illustration comparative :
- Jean Zippel (1789 - ?) Le Passage des souverains alliés sur le boulevard Saint-Denis, Paris, Musée Carnavalet, inv. P520. [CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris]
Estim. 2 000 - 3 000 EUR